- Julia Moreno
Initiative sur l'immigration de masse
Le droit à la différence
Au-delà de ses conséquences pour notre pays, le oui à l’initiative UDC sur l’immigration de masse révèle un malaise ressenti dans une partie de la population. C’est le sentiment que son destin lui échappe. Depuis 30 ans au moins la doctrine néolibérale impose une marche forcée aux peuples du monde entier. « Produis plus, sois compétitif », nous assènent les tenants de cette sorte de religion qui ne voient de salut que dans cette fuite en avant. Mais nous voyons de plus en plus le prix funeste de cette marche forcée : insécurité, souffrance au travail, travail qui rend malade, précarité, mauvaise répartition des richesses, etc.
Notre société est individualiste, dit-on. Tant mieux ! Personne ne souhaite vivre aujourd’hui le carcan social et religieux de nos parents et grands-parents dans les villages d’antan. Mais si l’individualisme casse les liens sociaux et les solidarités, le sens d’appartenance à une communauté humaine, alors l’être humain n’en est plus vraiment un, et il ne peut plus exprimer la négation de son identité que dans la violence. La difficulté est en effet là : les êtres humains ne peuvent se contenter de n’être que des individus, et par conséquent isolés les uns des autres. Ils doivent devenir des personnes, et c’est dans le rapport aux autres que se construit la personne, depuis le regard échangé entre le bébé et sa mère, qui se continue dans tous les échanges entre humains. Ce qui rend chacune et chacun unique.
Or, malgré les apparences et le discours dominant, l’individualisme ne conduit que difficilement à la reconnaissance de l’unicité des personnes, et ajoutons : des sociétés et des peuples. Ainsi en est-il quand les homosexuels, les étrangers, les femmes, les handicapés, les personnes âgées, sont discriminés. Ainsi en est-il quand la Commission européenne donne son feu vert à l’utilisation d’un nouveau maïs OGM, le TC1507, alors que 19 pays de l’UE n’en veulent pas (L’Impartial du 12 février) !
Lors d’une récente session de formation à laquelle je participais, le grand rabbin de Belgique, disait en substance : « La bible n’est pas tolérante. Tolérer quelqu’un, c’est faire une concession à son égard, alors que je continue de le regarder avec mon désaccord sur lui. La bible, elle, revendique le droit de l’autre à être différent ».
Je repense souvent à cette parole. La pensée néolibérale, relayée par la majorité des responsables politiques et des media, aboutit dans les faits à une sorte « d’homogénéisation » des peuples, des sociétés et des personnes. Dans la théorie, c’est « chacun son chemin », comme dit la chanson. Mais en réalité il vaut mieux être « dans la ligne », comme autrefois dans les pays communistes. Mieux vaut être un adepte de la pensée ambiante dominante, sinon vous êtes un ringard, vous êtes dépassé, incapable de vous adapter. La disqualification systématique de toute autre pensée, le refus de principe d’écouter l’autre – que l’on songe aux altermondialistes ou… aux Tessinois avant le 9 février dernier – sont le signe d’une forme d’intégrisme de la pensée.
Or le refus de reconsidérer une dogmatique qui enferme, conduit à des ruptures – comme dans l’Église catholique… – entre ceux qu’on appelle les élites et l’ensemble d’une population. Pour éviter les explosions sociales et les fausses solutions populistes, encore faut-il savoir écouter et reconnaître à chacun et aux peuples, le droit à leur différence et à leur identité.
Canisius Oberson